Le Grenier de Clio : Arts & mythologie.
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ROCOCO

Jean-Honoré FRAGONARD
Jean-Honoré Fragonard
Psyché montrant à ses soeurs
les cadeaux de Cupidon, 1753  

La synthèse de l'idéalisation classique de la fin du XVIIe siècle italien et de la vigueur baroque se réalise en France, avant de conquérir l'Europe sous le nom de Grand Style. Celui-ci se dilue dans le style rococo, appelé en France style Régence, qui rend compte de la liberté des formes que le XVIIIe siècle recherchait. Pour la première fois dans l'histoire de l'art, la vocation édificatrice ou narrative s'efface devant la fonction décorative.

Le rococo apparaît comme une dégénérescence du style baroque mêlée de style rocaille français. Dès le milieu du XVIIIe siècle, une réaction aux formes toujours plus libres et plus exubérantes du rococo s'affirme en France, berceau de ce style. En Grèce et en Italie, les découvertes archéologiques suscitent un intérêt renouvelé pour le passé de l'Europe. Les intellectuels français développent alors l'esprit néo-classique qui privilégie le culte de l'antique et de l'individu.

Le rococo en France.

François BOUCHER
François Boucher
Vénus chez Vulcain

Le premier rococo surgit dans les dernières commandes de Louis XIV, comme le château de Marly où apparaissent les formes contournées, les miroirs curvilignes, les corniches et les plafonds simplement ornés de rosettes centrales. Sous le règne de Louis XV, le rococo triomphe dans la décoration intérieure. La tendance est alors à la légèreté, à la liberté des formes et aux détails abstraits et décoratifs. Les lignes courbes dominent.
Les feuillages, les éclats de soleil et les compositions de pierres et de coquillages en constituent les principaux motifs décoratifs. Le rococo tire son nom du style rocaille. La forme des pièces, circulaire ou elliptique, reprend celle des motifs. Les couleurs privilégiées sont le blanc ivoire, le bleu pâle et l'or.

La peinture française affiche une élégance toute décorative. Toutefois, le style des deux plus grands peintres de l'époque, Antoine Watteau (1684-1721) et Jean Siméon Chardin (1699-1779) se distingue du rococo.

Jean-Baptiste GREUZE
Jean-Baptiste Greuze
Offrande à Cupidon

Watteau transcrit les peintures mythologiques flamandes de Rubens et de Van Dyck en des scènes plus raffinées au charme mélancolique. La douceur des scènes de Chardin semble plus poétique que celle des peintures de De Hooch ou de Ter Borch dont il s'inspire. François Boucher (1703-1770) est le peintre favori de Mme de Pompadour, la maîtresse de Louis XV. Ces oeuvres qui recréent un univers sensuel et gracieux s'harmonisent parfaitement avec les intérieurs rococo, comme le font celles de Jean-Honoré Fragonard (1732-1806), qui abandonne bientôt la peinture d'histoire pour le genre galant et libertin. Dans un autre registre, tout aussi révélateur de la sensibilité du siècle, Jean-Baptiste Greuze (1725-1805) réalise des compositions mélodramatiques et moralisantes, ainsi que des portraits d'une tonalité réaliste.
C'est toutefois dans les arts décoratifs que figurent les créations les plus significatives du style rococo français : meubles aux formes courbes, richement dorés et incrustés, argenteries aux formes audacieusement asymétriques ou porcelaines très élaborées et colorées de la manufacture de Sèvres créée par Mme de Pompadour et Louis XV.

Le rococo en Allemagne, en Italie et en Grande-Bretagne.

Les éléments asymétriques et la fantaisie inventive sont au coeur du style rococo allemand, qui se développe avec imagination et humour. Des détails fantaisistes égayent ainsi la façade à la française, élégante et régulière, du charmant pavillon d'Amalienburg (1734­1739), du château de Nymphenbus près de Munich. Le salon central imite la galerie des Glaces de Versailles, mais sa forme ovale remplace la majesté française par une sensation de légèreté tout aristocratique. Des miroirs aux formes variées reflètent des nuages tourbillonnants d'oiseaux, de fleurs, de feuillages et de personnages gracieux. Cette folle décoration argentée se détache sur un fond bleu pâle.

Giambattista TIEPOLO
Giambattista Tiepolo 
Sacrifice d'Iphigénie 


Les églises présentent une décoration très originale comme celles de Wies, en Bavière (1745-1754), ou de Vierzehnhei­ligen, en Franconie (1743-1772). Conçu par le plus fameux architecte allemand de l'époque, Baltasar Neumann (1687­1753), le plan de l'église de Vierzehnheiligen intègre habilement espaces ovales et circulaires dans une fluidité toute rococo. Du même architecte, la façade de la résidence de Wurtzburg (1719­1744) présente des détails rococo qui animent la majesté de l'édifice. Les fresques en trompe l'oeil (1750-1752) du Vénitien Giambattista Tiepolo(1696­1770) rehaussent somptueusement les plafonds de la Kaisersaal et de la Treppenhaus à Wurtzburg. Les effets éblouissants, les couleurs lumineuses et la fantaisie imaginative de la peinture de Tiepolo établissent sa réputation à travers toute l'Europe.
Ses beaux-frères Gianantonio (1699­1760) et Francesco Guardi (1712- 1793) s'affirment également comme des maîtres du rococo vénitien. Dans ses vues réelles ou imaginaires de Venise, le second évoque les teintes changeantes du ciel et de l'eau avec la même liberté que les paysages impressionnistes. La même poésie imprègne les scènes toutefois plus minutieuses de Canaletto (1697-1768). Si l'architecture de Venise est alors plutôt néo-classique, en revanche l'échelle grandiose et les courbes élégantes de l'escalier de la place d'Espagne, à Rome, illustrent le véritable style architectural rococo italien.
En Grande-Bretagne, la peinture connaît également une inspiration rococo dont témoignent par exemple les paysages élégants de Thomas Gainsborough (1727-1788). Les portraits de ce dernier (voir en fin de fiche) expriment toutefois un style très différent. L'influence rococo se fait aussi sentir dans le trait incisif de William Hogarth (1697- 1764), dont les scènes satiriques s'accordaient peu avec le caractère fantasque du baroque.
Hormis les arts mineurs de l'argenterie et de la porcelaine, le véritable esprit rococo s'exprima, en Angleterre, à travers les chinoiseries. Très novatrice, la conception des jardins d'Alexander Pope et de William Kent se fonde ainsi sur un principe d'asymétrie prétendument chinois. Les lignes sinueuses et les effets de surprise habilement ménagés donnent à leurs parcs une apparence rococo.

Le portrait au XVIIIe siècle.

Printemps
Rosalba Carriera
Allégorie du Printemps

Au XVIIIe siècle, l'intérêt croissant pour le rationalisme philosophique et la reconnaissance de l'individu se traduit en peinture par le genre du portrait.
Pour certains artistes tels Boucher et Chardin, il ne s'agit que d'une évolution naturelle de leur style. D'autres, comme la Vénitienne Rosalba Carriera (1675­1757), exploitent avec succès la nouvelle technique du pastel.
En Grande-Bretagne, le portrait connaît un développement sans précédent. Ceux d'Allan Ramsay (1713- 1784) sont délicats et spontanés. Ces mêmes qualités, associées à une plus grande maîtrise, apparaissent dans les oeuvres de Gainsborough. Ses personnages semblent disposés pour mettre en valeur l'arrière-plan des paysages, tandis que l'artiste s'emploie à fixer l'impression fugitive du moment. Les allusions classiques et la
solide technique de Joshua Reynolds (1723-1792) cherchent à introduire les valeurs allégoriques de l'histoire dans le portrait. Les compositions d'Henry Raeburn (1756-1823) laissent transparaître son influence. Thomas Lawrence (1769­1830), au talent précoce, reproduit tout le faste flamboyant du style Regency.
Le développement des peintures en buste pseudo-classiques correspond à un mouvement opposé. Après les portraits de David, les formes sculpturales envahissent la peinture. Les modèles sont alors disposés sur un fond abstrait.

bdp

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