Le Grenier de Clio : Arts & mythologie.
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IMPRESSIONNISME

Souvent considéré comme le premier mouvement pictural moderne, l'impressionnisme n'est pas une école au programme clairement défini, ni un projet formalisé, ni un manifeste. Il représente plutôt un courant artistique auquel adhérèrent un grand nombre de peintres partageant des thèmes et des techniques similaires. Soucieux de l'intégrité de leur art, ceux-ci refusèrent de participer au Salon de Paris, la grande manifestation officielle, et organisèrent leurs propres Salons indépendants.
Si l'impressionnisme se distingue du néo-impressionnisme, les deux grands peintres de cette dernière école, Georges Seurat et Paul Signac, exposèrent toutefois avec les impressionnistes. Mais le néo-impressionnisme se voulut plus organisé et tenta d'imposer une démarche plus scientifique, comme le prouvent ses recherches sur la théorie des couleurs.

Manet et le Salon des refusés.

Le nom d'Édouard Manet (1832-1883) est souvent associé aux impressionnistes. Ne partageant que modérément leurs principes, il refusa pourtant d'exposer avec eux. Manet composait de très grandes toiles, entièrement peintes dans son atelier, et désirait la reconnaissance officielle du Salon de Paris. Les couleurs lourdes et sombres qu'il utilisait le distinguaient aussi des impressionnistes.
Il connut un succès précoce au Salon de 1861, avec le Guitariste. Mais ses peintures furent refusées à celui de 1863. À l'époque, les artistes dépendaient de ce Salon pour trouver une clientèle, car il n'existait pas de marché privé. Cette situation suscitait une contestation de plus en plus vive. Pour calmer les esprits, l'empereur Napoléon III décréta la tenue d'une contre-exposition parallèle au Salon, laissant au public le soin d'apprécier par lui-même la valeur des tableaux contestés. Ainsi naquit le Salon des refusés.
Le sujet du Déjeuner sur l'herbe de Manet, exposé en 1863, scandalisa les spectateurs. Le peintre avait choisi de retravailler un thème classique — le nu dans un paysage — et de l'inclure dans un cadre résolument moderne. Le public ne vit dans ce tableau que la représentation de deux prostituées et de leurs clients : les hommes étaient en costume et le regard de la femme assise était très «direct». L'indignation provoquée par Manet atteignit son comble quand il exposa son Olympia au Salon officiel de 1865.
Les peintres impressionnistes ne partageaient ni les sujets, ni la technique de Manet. La puissance de son style et son refus de composer avec les institutions lui valurent toutefois d'influencer l'avant-garde artistique des années 1860 et 1870.

Le style impressionniste.

Durant l'été 1869, Claude Monet (18401926) et Pierre Auguste Renoir (18411919) travaillèrent à la Grenouillère, un lieu de baignade populaire au bord de la Seine situé hors de Paris. Ils réalisèrent alors une série de tableaux caractéristiques de la maturation du style impressionniste. À leur exemple, les autres artistes se mirent à peindre en plein air des toiles aux dimensions plus petites et aux sujets plus intimistes que les œuvres proposées par Manet au Salon. Pour représenter les effets de lumière, ils utilisaient une technique particulière, la fragmentation. Ils disposaient sur la toile, côte à côte, de petites touches de pigment plutôt que de privilégier le modelé homogène apprécié à l'époque. À la différence de Manet, ils substituèrent aux couleurs de terre et aux noirs une palette éclaircie, recourant prioritairement aux trois couleurs primaires, rouge, jaune et bleu. Ayant constaté que l'environnement des objets en modifiait le coloris général, ils introduisirent des reflets de couleur dans les ombres.
S'unifiant progressivement par l'utilisation d'un style commun, le groupe impressionniste n'acquit toutefois de véritable identité qu'à partir de sa première exposition, en 1874.

Les Salons impressionnistes.

L'idée d'une exposition était depuis longtemps dans l'air, mais le premier Salon impressionniste n'eut lieu qu'en 1874 dans l'atelier du photographe Nadar, où les artistes dont les œuvres avaient été refusées au Salon officiel décidèrent d'organiser une contre-exposition. Parmi les trente-neuf exposants figuraient Monet et Renoir, mais aussi Paul Cézanne (1839-1906), Edgar Degas (1834-1917), Berthe Morisot (18411895), Camille Pissarro (1830-1903) et Alfred Sisley (1839-1899). De nombreux peintres, parmi lesquels l'Américaine Mary Cassatt (1844-1926), Paul Gauguin, Georges Seurat (1859-1891) et Paul Signac (1863-1935), participèrent aux expositions ultérieures.
À l'occasion de l'exposition de 1874, ces artistes prirent le nom de Société anonyme des artistes, peintres, sculpteurs et graveurs. Ce n'est que plus tard qu'ils furent désignés comme «impressionnistes», terme inventé par le critique d'art Louis Leroy d'après le titre d'un tableau de Claude Monet, Impression, soleil levant. Cette œuvre représente des bateaux dans un port à travers un épais brouillard dans lequel disparaît le détail des formes. Le critique n'en retint que le style délibérément vague et passa à côté de son véritable sujet : la transcription fidèle d'une atmosphère. Le terme d'impressionnisme» s'étendit aux artistes se réclamant de cette tendance.
Huit Salons impressionnistes furent organisés, de 1874 à 1886. Pissarro fut le seul artiste du groupe initial à n'en manquer aucun. Le dernier Salon accueillit des artistes tels que Gauguin, Seurat et Signac, dont les œuvres ne se conformaient pas toujours aux goûts des premiers impressionnistes.

Les sujets impressionnistes.

Les impressionnistes privilégiaient les paysages. Mais Pissarro peignait aussi des scènes rurales (Diligence à Louveciennes, Gardeuses d'oies à Montfoucault); Monet s'inspirait de l'industrialisation rapide de la capitale (la Gare Saint-Lazare); Renoir fit beaucoup d'études de personnages (la Baigneuse au griffon, Danseuse, une Cavalière, les Baigneuses); Degas excellait dans la peinture de courses de chevaux (Avant le départ), de spectacles (Mademoiselle Fiocre dans «la Source»), de scènes de ballet (Danseuse saluant, Danseuse à la barre) ou de femmes à la toilette (le Tub, Après le bain).

Le néo-impressionnisme.

Lors du dernier Salon impressionniste, Seurat, Signac et Pissarro exposèrent des toiles exécutées selon la technique du divisionnisme, base du pointillisme. Les couleurs sont appliquées pures, par très petites touches — souvent de simples points. Observées à une certaine distance, elles se confondent, créant des tonalités intermédiaires. Les néo-impressionnistes recoururent abondamment à des techniques employées auparavant, mais de manière moins systématique, par les impressionnistes. Le caractère statique des peintures et le grand format des toiles indiquent un démarquage de l'impressionnisme traditionnel.

Le Postimpressionnisme

L'impressionnisme, qui s'était élevé contre l'art conventionnel contemporain, suscita à son tour la réaction de peintres français baptisés postimpressionnistes, dont l'activité couvrit les années 1880 à 1905. Le postimpressionnisme réunissait des artistes aux styles très différents, mais qui partageaient les mêmes aspirations : dépasser le naturalisme pur et développer la couleur, les émotions et l'imagination. Ces peintres sont à l'origine des principaux mouvements artistiques du me siècle.
En 1910, l'artiste et critique britannique Roger Fry organisa à Londres une exposition intitulée «Manet et les postimpressionnistes» (c'est la première apparition de ce terme). Cézanne, Gauguin et Van Gogh en étaient les artistes phares : ils avaient, d'après Fry, dépassé l'impressionnisme, en quête d'un nouvel art. On y trouvait également les œuvres de peintres néo-impressionnistes comme Seurat et Signac, mais aussi celles de Redon, Picasso, Matisse, Derain, Vlaminck, Rouault et Marquet. Le postimpressionnisme engloba plus tard les peintres fauvistes et les néo-impressionnistes français et étrangers.

Le postimpressionnisme français.

Les œuvres de jeunesse de Paul Cézanne (1839-1906) sont sombres et romantiques : scènes violentes et érotiques peintes au couteau. À partir de 1870, le peintre impressionniste Camille Pissarro l'incita à peindre en plein air et à alléger progressivement sa palette. Cézanne s'éloigna des impressionnistes : il critiquait leur manière de peindre les aspects fugitifs du temps et leur reprochait le manque de structure de leurs œuvres. Comme eux, il représentait la nature sur le vif, mais en s'inspirant de la grandeur, du sens de l'ordre de maîtres classiques tel Nicolas Poussin : son génie tient pour beaucoup au combat qu'il mena pour réunir ces deux démarches et réaliser la fusion monumentale et intemporelle des formes. Installé en Provence, il y peignit de nombreuses natures mortes et des paysages. La montagne Sainte-Victoire, proche d'Aix-en-Provence, sa ville natale, lui inspira un grand nombre de toiles.
Comme Cézanne, Vincent Van Gogh (1853-1890) utilisa des teintes sombres dans ses premières œuvres. Il y peignit le désespoir des paysans pauvres des Pays-Bas — comme dans l'un des plus connus de ses tableaux, les Mangeurs de pommes de terre (1885). Né dans le Brabant, il s'établit à Paris en 1886 et adopta les couleurs claires et vives des impressionnistes. En 1888, il partit pour Arles, en Provence, où il réalisa ses œuvres les plus puissantes. Le colorisme éclatant, l'épaisseur de sa peinture et les coups de brosse violents et rythmés de ses autoportraits et de ses paysages traduisent ses émotions et ses désespoirs. Souffrant d'hallucinations, il se suicida.
Paul Gauguin (1848-1903), un ex-homme d'affaires, vécut en Bretagne, à la Martinique, à Tahiti et dans les îles Marquises. Dans ses compositions aux figures monumentales, comme Never More (1897), il peignait des formes simplifiées constituées par de grands aplats de couleurs. Gauguin, comme Van Gogh, se servait des couleurs pour susciter des émotions et non par souci naturaliste ; il est cependant plus proche des symbolistes.
La fin du XIXe siècle vit le développement de grands mouvements artistiques. L'influence de Cézanne, Gauguin et Van Gogh se retrouve dans toutes les tendances artistiques ultérieures : le symbolisme et l'expressionnisme, le fauvisme et le cubisme. Toutefois, de nombreux artistes demeurèrent en marge de ces courants.
La peinture naïve connut son premier succès grâce à Henri Rousseau (1844-1910), dit le Douanier Rousseau parce qu'il travaillait au service de l'Octroi, à Paris. Il manifesta un grand talent de coloriste : ses teintes sont lumineuses et intenses, ses toiles pleines de poésie et de délicatesse. Le caractère naïf de sa peinture tient au fait qu'il se refusait à utiliser la perspective.
À l'inverse, avec Henri de Toulouse-Lautrec (1864-1901), on entre dans le monde de la nuit et des plaisirs tarifés. Les scènes de music-hall (Au Moulin-Rouge), de cabarets (Aux Ambassadeurs) et de maisons closes (Au salon de la rue des Moulins) révèlent les talents d'affichiste de leur auteur et décrivent le Paris des noctambules et des artistes.

Les peintres intimistes.

Pierre Bonnard (1864-1947) et Édouard Vuillard (1868-1940), artistes du groupe des «nabis», peignaient principalement des scènes familières et intimistes dans un cadre bourgeois, des portraits spontanés et des nus. Ils avaient tous deux un modèle favori : pour Bonnard sa femme, pour Vuillard sa mère.

bdp

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