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EXPRESSIONNISME

Les artistes autrichiens et allemands des «sécessions» des années 1890, comme les expressionnistes qui leur succéderont, partageaient l'antinaturalisme des symbolistes. À partir de 1905-1910, les expressionnistes ont en effet cherché avant tout à traduire, au moyen de formes tourmentées, leurs sentiments et leur vision intérieure de la réalité. Le mouvement expressionniste s'exprima aussi avec succès à travers le cinéma et le théâtre.

Les sécessions

En Allemagne et en Autriche, les réactions d'artistes dissidents contre la peinture académique et conventionnelle des années 1890 donnèrent naissance à quelques «sécessions». Le premier mouvement sécessionniste prit corps à Munich, en 1892, en signe de protestation contre l'encombrement des salons officiels et l'absence de sélection préalable.
Pionniers de l'impressionnisme allemand, Max Liebermann (1847-1935) et Lovis Corinth (1858-1925) prirent la tête de la sécession de Berlin. La nouveauté de leur art suscita l'hostilité des peintres académiques.
La sécession de Vienne conduite par Gustav Klimt (1862-1918) en 1897 fut la plus radicale. Elle promut et encouragea avec succès les peintres, les architectes et les artisans autrichiens, qui se référèrent à deux courants, le symbolisme et le Jugendstil, qui était la forme allemande et autrichienne de l'Art nouveau. Les peintures raffinées de Klimt mêlent en un symbolisme puissant érotisme féminin et compositions luxuriantes en forme de mosaïques. Mal accueillies par le public, ses œuvres n'en influencèrent pas moins ses compatriotes. La volonté d'indépendance des sécessionnistes ouvrit la voie aux groupes Die Brücke et Der Blaue Reiter.

Les précurseurs de l'expressionnisme

Le mouvement expressionniste atteint son apogée autour de 1910. Il s'agissait pour certains artistes de développer une approche non seulement descriptive mais aussi expressive et émotionnelle de l'art. L'influence de l'œuvre de Vincent Van Gogh fut pour eux déterminante. L'extrême variété des formes empruntées par ce courant pictural n'empêcha pas une certaine unité de se dégager. Cette unité réside principalement dans les déformations figuratives et la hardiesse de la palette.
Par leurs sujets et leur traitement des couleurs, les peintures et les gravures du Norvégien Edvard Munch (1863- 1944) apparaissent à la fois intensément hystériques et névrosées. Dans son plus célèbre tableau intitulé le Cri, l'anxiété, la peur et le désespoir se lisent autant dans les traits du personnage que dans les tourments du ciel. Le caractère dramatique du style renforce la puissance des arguments : amour, maladie et mort.
Le Belge James Ensor (1860-1949) déploie un humour insolite dans ses compositions de squelettes et de masques grotesques. La peinture s'y fait épaisse et les traits caricaturaux.
En Autriche, l'expressionnisme s'imposa sous l'action de deux grands peintres appartenant au mouvement Jugendstil, Egon Schiele (1890-1918) et Oskar Kokoschka (1886-1980). En dépit de la brièveté de sa carrière, Schiele exécuta des nus déformés à l'érotisme insistant, d'une extrême profondeur psychologique. Les portraits et les compositions de Kokoschka manifestent un style nerveux et linéaire qui entendait exprimer les pensées intimes et les névroses de ses sujets humains.

L'expressionnisme allemand.

Formé à Dresde en 1905, le groupe Die Brücke (le Pont) poursuivit son activité jusqu'à la fin de l'année 1913. Ernst Ludwig Kirchner (1880-1938), Erich Heckel (1883-1970), Karl Schmidt-Rottluff (1884-1976), Max Pechstein (1881-1955) et Emil Nolde (1867-1956) en firent partie. Leur objectif était de créer un art nouveau, révolutionnaire, une passerelle vers le futur. Le motif du «pont» apparaît dans de nombreuses peintures ou gravures de ces artistes inspirés par les fauves, mais aussi par la sculpture africaine et les bois gravés du Moyen Âge. Si leur mouvement s'apparente au fauvisme, leur style est toutefois plus violent, plus cru, les couleurs plus arbitraires et les formes lourdement expressives et stylisées.
Le groupe munichois Der Blaue Reiter (le Cavalier bleu) donna un nouvel élan à l'expressionnisme allemand en 1911 : August Macke (1887-1914), Franz Marc (1880-1916) et le Russe Wassily Kandinsky (1866-1944) en sont les principaux animateurs. Son emblème provient du dessin de couverture de leur revue, réalisé par Kandinsky et Marc, qui représentait un cavalier bleu et noir sur son cheval. Plus varié que celui de Die Brücke, ce mouvement n'entendait pas promouvoir une quelconque tendance artistique, mais simplement permettre à chacun des artistes de réaliser son propre style. Ses membres partageaient cependant le goût des couleurs très vives et un penchant pour l'abstraction. La mort de Macke et de Marc lors de la Première Guerre mondiale provoqua la dissolution du groupe.
Les œuvres aux formes hardies et aux couleurs riches et intenses du Russe Alexeï von Jawlensky (1864-1941) sont de la même veine, bien qu'il ne rejoignît jamais ce cercle.
Le bouleversement occasionné par la Première Guerre mondiale laissa une profonde empreinte sur ces artistes. Avant la guerre, Max Beckmann (1884-1950) avait déjà produit des œuvres expressionnistes ; dans l'Allemagne insurrectionnelle de l'immédiat après-guerre, des tableaux comme la Nuit (1918-1919), qui représente les horreurs de la torture, ont un impact redoublé. L'œuvre d'Otto Dix (1891-1969), au réalisme impitoyable, représente un des courants de l'école expressionniste allemande des années 1920, connue sous le nom de «Nouvelle Objectivité».
Membre du groupe Dada de Berlin, le peintre et dessinateur Georges Grosz (1893-1959) s'attaqua à des thèmes d'actualité tels que la décadence capitaliste de la république de Weimar dans des caricatures au ton violent.
Sitôt arrivés au pouvoir, en 1933, les nazis, qui avaient depuis longtemps qualifié ces artistes de «dégénérés», leur interdirent d'exposer. Ces derniers furent alors nombreux à s'exiler pour pouvoir continuer à travailler librement.

bdp

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