Le Grenier de Clio : Arts & mythologie.
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ROMANTISME

Le mouvement romantique s'est exprimé de la fin du XVIIIe au milieu du XIXe siècle. Rejetant les valeurs éthiques et esthétiques du classicisme et du néo-classicisme, ce courant artistique refuse également la laideur et le matérialisme produits par la révolution industrielle. En proposant aux peintres une nouvelle vision du monde, des écrivains tels que Rousseau, Schiller, Goethe ou Byron jouèrent dans sa diffusion un rôle capital.
Il est nécessaire de connaître les valeurs philosophiques du romantisme pour comprendre la peinture et la sculpture qui s'en sont inspirées. Si les techniques et les styles varient énormément, le contenu de la peinture et l'attitude même des artistes confèrent, en revanche, une totale cohérence au romantisme.

L'artiste romantique.

Un héros solitaire luttant pour exprimer ses pensées profondes sur la toile : telle est la conception courante de l'artiste romantique. Géricault écrit : «Le génie est le feu du volcan qui doit exploser et qui explosera.» L'artiste entend représenter le monde tel qu'il lui apparaît, dans toute sa complexité et avec toutes ses imperfections. Ce qui implique un rejet des images statiques et harmonieuses des Grecs et des Romains, si chères au néo-classicisme.
Les néo-classiques dissimulent le combat et les émotions de l'artiste sous une apparence lisse de formes et de volumes aux contours nettement définis. Les grands peintres romantiques tracent, quant à eux, des contours légers ; ils exécutent leurs toiles avec liberté et audace, attirant ainsi l'attention sur le procédé artistique. En matière de technique ou de sujet, il n'existe pas pour les romantiques de règle universelle.

Les inspirations du romantisme.

Les artistes romantiques admirent l'art médiéval, qui illustre la vision du monde idéal de la chevalerie et de la pureté chrétienne. Ils observent avec intérêt le renouveau gothique de l'architecture anglaise de la première moitié du XVIIIe siècle, qui se poursuit pendant tout le siècle suivant. Ces inspirations vont de pair avec l'amour des ruines couvertes de lierre ; celles-ci rappellent avec mélancolie un passé mystérieux et perdu. Par la suite, ces ruines seront bâties de toutes pièces de façon à paraître naturelles.
Ces paysages originaux et irréguliers, naturels ou artificiels, reflètent le goût du pittoresque cultivé par les artistes romantiques. Cette notion a un grand impact sur les peintres paysagistes anglais, et tout particulièrement sur les aquarellistes de la fin du XVIIIe siècle. Le pittoresque s'oppose à l'ordre et à la régularité qui étaient les qualités fondamentales de la conception classique de l'art. Le style pictural romantique se caractérise ainsi par des scènes de montagne et d'orage, jadis considérées comme laides, et jugées, dès le milieu du XVIIIe siècle, comme des manifestations saisissantes du pouvoir supérieur de la nature.

Le paysage romantique.

Le sublime est au cœur de la conception romantique du paysage, conception véhiculée par la poésie de Wordsworth ou de Shelley, qui attribue un sens à la nature, au-delà des apparences visuelles.
De nombreux peintres romantiques cherchent à imprégner leurs paysages de ce sens transcendant. L'Allemand Caspar David Friedrich (1774-1840) recourt à une technique quasi photographique pour rendre les moindres détails des paysages. Ses montagnes, ses forêts, ses océans, ses ciels et ses ruines dominent de minuscules personnages, évoquant la mélancolie que suscite la notion d'infini dont la proximité est signalée par les éclairs, les clartés lunaires, les aurores et les crépuscules dont l'auteur sature son œuvre.
Si le grand visionnaire que fut le peintre-poète William Blake (1757-1827) rejeta toute inspiration naturaliste, il apparaît aujourd'hui comme le peintre romantique anglais le plus illustre, dont l'œuvre mystique et symbolique eut une influence décisive sur les paysagistes anglais. Le peintre anglais John Martin (1789-1854) compose aussi des paysages imaginaires illustrant les forces destructrices de la nature avec une emphase quelque peu outrée.
Les paysages de Samuel Palmer (1805-1881), disciple de William Blake, présentent une série de visions intenses de la fécondité de la nature dans un style linéaire et personnel.

Les peintres de l'histoire : Géricault et Delacroix.


 

La présentation au Salon de 1812 de la toile de Théodore Géricault (1791-1824), Officier de chasseurs à cheval chargeant, marque la fin du néo-classicisme français. Ce vaillant officier monté sur un cheval cabré illustre tout le triomphe de la gloire napoléonienne. Géricault considérait les chevaux comme le modèle de la puissance romantique indomptée. Dans le Radeau de la Méduse (1819), sujet plus morbide, Géricault sait transcender le côté sensationnel de l'événement et transformer la scène tragique en drame éternel.

Comme de nombreux romantiques, Eugène Delacroix (1798-1863) adhère aux idées libérales et nationalistes que ses œuvres illustrent. Ainsi, la Liberté guidant le peuple (1831) célèbre la révolution de 1830, qui mit un terme au règne de Charles X. Le tableau frappe par l'absence d'idéalisation des personnages : les révolutionnaires sur les barricades, et même la Liberté, n'ont rien de héros classiques et raffinés.
Delacroix s'attaque aussi à des sujets plus exotiques, souvent sensuels et violents, rehaussés de couleurs vibrantes et brillantes. Dans la Mort de Sardanapale (1827), le tyran assyrien mourant regarde avec indifférence égorger ses concubines qui le rejoindront dans la mort. Delacroix donne à ses compositions une apparence désordonnée qui suggère une intense sensation de mouvement et de réalité.

Deux grands maîtres : Constable et Turner.

Si pour nombre de romantiques la nature n'est qu'un voile sous lequel perce l'Éternel, les deux plus grands maîtres du paysage s'attachent en revanche à la peindre pour elle-même.
Les paysages tranquilles de John Constable (1776-1837) n'apparaissent pas, au premier abord, comme typiquement romantiques. Son romantisme s'exprime par son souci de décrire la nature de façon véridique. Ses toiles reproduisent avec spontanéité les aspects changeants du temps, le jeu de la lumière sur l'eau ou à travers les nuages et les arbres. Il ne cherchait pas à idéaliser la scène qu'il peignait. Située dans le paysage représenté, la Charrette de foin (1821) figure dans le tableau et lui donne même son titre. Les peintres français, notamment les paysagistes de l'école de Barbizon, subiront son influence.
William Turner (1775-1851), comme Constable, cherche à reproduire la nature comme elle lui apparaît et non selon l'idée que s'en fait la philosophie romantique. S'inspirant des paysages pittoresques du Lorrain et des maîtres flamands du XVIe siècle, il introduit progressivement dans ses toiles des sujets plus romantiques. Il étudie les effets visuels des forces élémentaires —comme les orages dans les Alpes — avec une liberté toujours plus grande. Dans sa dernière œuvre, Pluie, vapeur et vitesse (1844), la lumière et les effets atmosphériques envahissent le tableau : il en devient presque abstrait, annonçant en cela les peintures impressionnistes.

Les peintres de l'irrationnel : Füssli et Goya.

Le peintre suisse Johann Heinrich Füssli (1741-1825) vit à Londres où il devient l'ami et l'admirateur de William Blake. Il traite des thèmes historiques, mais aussi et surtout des scènes de folie et des monstres. Son œuvre majeure, le Cauchemar (1782), décrit un nain démoniaque et grotesque accroupi sur le corps d'une femme endormie, tandis qu'à travers les rideaux surgit la tête effrayante d'un cheval. Ses recherches sur les forces obscures de l'âme exercent une grande influence sur le mouvement romantique.
Francisco de Goya y Lucientes (1746-1848) est certainement l'un des plus grands artistes romantiques. Peintre de la cour d'Espagne, il exécute des portraits délicats avec une technique libre et virtuose. Son dégoût pour la noblesse réactionnaire engendre des œuvres de critique sociale telles que les Caprices, série de dessins cauchemardesques portant ce commentaire : «L'assoupissement de la raison engendre des monstres.» Lors de l'occupation du sol espagnol par les troupes napoléoniennes, Goya témoigne des folies meurtrières de la guerre dans une autre série d'estampes intitulée les Désastres de la guerre (1808), et dans sa célèbre toile le 3 Mai 1808 (1814). Ses dernières œuvres, tel Saturne dévorant ses enfants (1820-1823), décrivent des personnages hideux et gigantesques, symboles des forces du mal qui habitent l'humanité.

L'attrait du Moyen Âge.

La nostalgie du Moyen Âge s'exprime tout d'abord à travers le retour au gothique, les romans historiques de Walter Scott et les poèmes de John Keats, ainsi que les tableaux de deux groupes de peintres romantiques. Le premier est celui des nazaréens, artistes allemands qui travaillent à Rome au début du XVe siècle et s'inspirent de l'art médiéval tardif de leur pays.
En Angleterre, l'école préraphaélite est fondée en 1848. Ses membres cherchent à recréer le naturalisme innocent, selon eux, de la peinture italienne du XVe siècle. Ses principaux membres sont Dante Gabriel Rossetti (1828-1882), John Everett Millais (1829-1896) et William Holman Hunt (1827-1910). Ils influencèrent à leur tour William Morris (1834-1896) et Edward Burne-Jones (1833-1898). Les œuvres des préraphaélites et des nazaréens n'ont pas conservé la vigueur des œuvres originales : le sentimentalisme de leurs thèmes est souvent très exagéré.

bdp

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